Antoine GRAVIER, Gynécologue obstétricien, Trésorier du SYNGOF, réagit aux propos du directeur de la Mutualité qui se défausse sur les professionnels de santé et la pertinence des prescriptions pour justifier l’augmentation de 27% des frais des mutuelles en cinq ans.
C’est un rituel de fin d’année aussi immuable que désagréable. La Mutualité Française vient de prévenir : il faudra encore payer plus cher pour se soigner en 2026. Une hausse “modérée”, osent-ils, de 4,3 % à 4,7 %.
Pour justifier cette nouvelle ponction sur le pouvoir d’achat des Français, les organismes complémentaires entonnent leur refrain habituel : la faute aux dépenses de santé, la faute aux médecins, la faute au vieillissement. Mais si l’on dézoome pour regarder la trajectoire sur dix ans, le constat est sans appel : nous assistons à une inflation structurelle, déconnectée de la réalité des revenus des Français et de la rémunération des soignants.
La spirale infernale : Rétrospective d’un dérapage incontrôlé
Il est temps de mettre les chiffres bout à bout pour réaliser l’ampleur de la dérive.
La Mutualité se félicite presque de ne pas atteindre les sommets des deux années précédentes, mais l’accumulation est vertigineuse :
Avant cette explosion post-Covid, la décennie 2010-2020 voyait déjà les cotisations grimper de 2,6 % par an en moyenne, soit bien au-dessus de l’inflation générale de l’époque.
Le résultat ? En cumulant ces augmentations, le coût d’une complémentaire santé a littéralement explosé en 10 ans. Une patiente qui payait 1000 euros de mutuelle en 2019 en paiera près de 1300 euros en 2026. Une augmentation de 30% en quelques années.
Où va l’argent ? Certainement pas dans la poche des médecins
L’argumentaire des mutuelles repose sur « l’intensification des dépenses de santé ». C’est un mensonge par omission.
Pendant que les cotisations des mutuelles s’envolaient chaque année sans discontinuer depuis 10 ans, qu’en était-il de la consultation médicale ?
Elle est restée bloquée à 23 euros, puis 25 euros, pendant des années. La récente revalorisation (APC à 60€, CS à 30€), arrachée de haute lutte, ne couvre même pas l’inflation cumulée que nos cabinets libéraux ont subie sur la même période.
Il est indécent de la part des organismes complémentaires de justifier leurs hausses tarifaires par le coût des soins, alors qu’ils n’ont cessé de désengager le remboursement sur les dépassements d’honoraires (via les contrats responsables) tout en augmentant leurs primes.
Les vrais responsables : Frais de gestion et inefficience
Plutôt que de pointer du doigt les « actes redondants » des médecins ou de demander des économies sur le dos de la Sécurité Sociale, les mutuelles devraient balayer devant leur porte.
La France détient un triste record d’Europe : celui des frais de gestion des complémentaires santé. Publicité, frais de siège, sponsoring sportif, réseaux de soins opaques… Pour 100 euros de cotisations versés par une patiente, une part colossale (parfois plus de 20%) s’évapore en fonctionnement interne avant même de rembourser le premier euro de soin (lire https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-hausse-des-complementaires-sante-des-frais-de-gestion-scandaleusement-eleves-n115702/) .
La double peine pour les femmes
Pour le SYNGOF, cette fuite en avant tarifaire est une menace directe pour la santé des femmes. La gynécologie-obstétrique nécessite un suivi régulier et technique.
Face à des cotisations qui deviennent un produit de luxe, le risque de démutualisation grandit. Les femmes précaires, les mères isolées, les retraitées sont les premières victimes de cette politique du “toujours plus cher”.
Le SYNGOF refuse que les médecins servent de boucs émissaires à la gestion inflationniste des assureurs. Il est temps que l’État régule enfin ce secteur qui, sous couvert de mutualisme et de solidarité, impose une taxe privée de plus en plus lourde aux Français, sans améliorer l’accès réel aux soins de qualité.
Mutuelles : La décennie du “toujours plus” (sauf pour les soins)